En 2017, Emmanuel et Servane Deuval ouvrent leur établissement Feuillette à Mondeville. Huit ans plus tard, ils emploient 55 salariés et continuent de cultiver une même conviction : placer l’humain au cœur de leur entreprise.
Pour Emmanuel Deuval, la cuisine est un rêve d’enfant mais il ne le concrétise qu’à 28 ans. C’est à l’Institut Paul Bocuse, à Lyon, qu’il rencontre Servane Deuval. Lui suit le programme Gestion et Arts Culinaires, elle, le cursus Management de l’Hôtellerie et de la Restauration.
Très vite, leurs trajectoires professionnelles s’alignent, tout en se forgeant séparément dans des établissements prestigieux : Emmanuel Deuval travaille chez Christian Têtedoie à Lyon, au restaurant Les Muses de l’Hôtel Scribe à Paris ou encore dans un restaurant en station de ski tandis que Servane Deuval évolue dans l’hôtellerie haut-de-gamme du Sheraton de Buenos Aires à l’hôtel George V à Paris.
Un premier rêve accompli à Tours
En 2003, ils ouvrent ensemble leur premier restaurant, La Deuvalière, dans le vieux Tours, un établissement bistronomique, salué pour sa qualité et son accueil. Le succès est au rendez-vous : Bib Gourmand Michelin en 2008, titre de maître restaurateur, trophée Bocuse & Co…
S’ils aiment beaucoup leur clientèle – ils ont assisté aux mariages de personnes qui se sont connues au restaurant et Emmanuel Deuval est parrain d’enfants de clients – ils commencent à ressentir une certaine lassitude au bout de dix ans. Le restaurant leur semble étroit avec ses quarante couverts, ils ressentent une certaine routine et en même temps ils dépensent beaucoup d’énergie à chercher des nouveautés dans un quotidien bien rempli. Ils réfléchissent à la prochaine étape : agrandir le restaurant, ouvrir une brasserie, investir dans un hôtel à Saint-Malo …
Feuillette : un concept qui leur ressemble
C’est dans ce moment de transition qu’ils s’intéressent à l’enseigne Feuillette fondée par Jean-François et Laure Feuillette à Saint-Gervais-la-Forêt en 2009. A l’époque, le réseau compte six boulangeries pâtisseries dans le Loir-et-Cher et l’Indre-et-Loire et deux franchises. Après une immersion, ils sont séduits par le concept : des produits haut-de-gamme à base d’ingrédients frais sans compromis sur la qualité, un bel espace de restauration, une ambiance conviviale et chaleureuse.
Avant de se lancer, ils intègrent les équipes dans des boulangeries pâtisseries Feuillette à Joué-les-Tours et à Saint-Cyr-sur-Loir en novembre 2016 pour apprendre tous les postes et tout maîtriser de A à Z. « C’est la conception du chef cuisinier que j’avais à l’époque. En cas de gros pépin, c’est utile. Si le boulanger n’est pas là, cela permet de se débrouiller seul », raconte Emmanuel Deuval.
Après avoir envisagé Rennes, où Servane Deuval a grandi, c’est finalement à Mondeville, près de Caen, qu’ils trouvent le local qui correspond aux cahiers des charges de la franchise. Ils avaient vendu leur restaurant, avaient deux enfants à charge, ne percevaient pas d’allocations chômage et s’étaient laissés un an pour s’installer. L’aventure peut commencer. Feuillette Caen Mondeville devient la cinquième boulangerie-pâtisserie en franchise.
Feuillette : la tradition française revisitée avec exigence et modernité
Feuillette, c’est bien plus qu’une boulangerie-pâtisserie : c’est un concept hybride mêlant artisanat, restauration rapide de qualité et esprit traiteur. Chaque boutique propose un large éventail de produits et de recettes ancrées dans la tradition culinaire française, présentés avec soin dans un bel étalage.
Les matières premières sont soigneusement sélectionnées : fraises françaises, bœuf et poulet français, poulet élevé en plein air, farine de tradition avec un cahier des charges strict, farine bio pour les pains complets ...
L’établissement offre aussi un cadre chaleureux, confortable et authentique pour une pause déjeuner ou un goûter sur place. L’offre a été largement développée pour répondre aux attentes de toutes et tous, avec des propositions végétariennes ou adaptées à certaines pratiques religieuses.
Le soutien d’Initiative Calvados
Pour se lancer, ils font appel à Initiative Calvados et bénéficient d’un prêt d’honneur à taux zéro de 25 000 €. Être soutenus par Initiative Calvados leur offre un filet de sécurité pour le lancement de l’activité, crédibilise leur dossier auprès des banques, et leur permet de construire des bases solides avec un suivi régulier de leurs indicateurs.
Un démarrage courageux et une philosophie fondée sur l’humain
Les débuts ne sont pas simples. Les franchises en boulangeries-pâtisseries restent rares, et certains voient d’un mauvais œil l’arrivée d’un nouvel acteur. Malgré tout, ils tiennent bon, portés par la qualité de leur offre et leur engagement humain.
Dès l’ouverture, ils recrutent 24 collaborateurs dont une majorité de chômeurs grâce à une campagne menée avec le Pôle Emploi de Mondeville.
D’autre part, la franchise ne bénéficie pas encore de la notoriété d’aujourd’hui. Les deux chefs d’entreprise misent sur la qualité. « On ne sait jamais quand le soleil se lève. » ajoute Emmanuel Deuval. Et il faut près de deux ans pour atteindre l’équilibre.
Le passage du modèle « restaurant » à celui de la franchise Feuillette a marqué un grand changement pour les deux entrepreneurs. Fini les 5 jours et demi d’ouverture avec congés synchronisés : à Mondeville, le rythme est de 7 jours sur 7 avec des rotations d’équipe. « On avait la maturité professionnelle » précise Servane Deuval.
Un management humain basé sur la confiance et la transmission
« Nous n’avons pas de difficulté de personnel. Nous pratiquons le surbooking » explique Servane Deuval. Ils embauchent davantage que nécessaire pour assurer de la flexibilité et du confort à chacun. La moitié de l’équipe travaille en production, l’autre en vente. Le week-end, ils font appel à des étudiants pour renforcer les effectifs.
Ils sont également en relation avec une association pour accueillir des étrangers ayant une carte de séjour en stage puis en apprentissage. « Nous avons deux boulangers originaires du Mali et du Bangladesh qui sont arrivés à 15 ans pour un stage et qui sont aujourd’hui salariés. Notre cheffe pâtissière est arménienne. » raconte Emmanuel Deuval.
Selon Servane Deuval, l’avantage d’une grande structure est de pouvoir offrir plus de souplesse dans les plannings, pour aider chacun à trouver le bon équilibre entre vie professionnelle et personnelle tout en respectant le travail, l’entreprise et le client. Le couple a su adapter son management aux attentes des nouvelles générations en adoptant un mode de fonctionnement moins directif.
Emmanuel Deuval, formé dans les grandes cuisines, reconnaît la force de cette évolution : « Elle a l’intelligence émotionnelle que je n’ai pas. J’ai compris, mais j’ai encore du mal à l’appliquer. » « J’aime l’humain », résume simplement Servane Deuval. C’est donc elle qui pilote l’ensemble de l’opérationnel.
Ce management bienveillant limite le turnover, et plusieurs anciens salariés sont même revenus dans l’entreprise. Servane Deuval accorde également une attention particulière aux jeunes en formation, allant jusqu’à organiser un entretien avec leurs parents ou tuteurs légaux la première année. Elle n’hésite pas non plus à s’engager personnellement : elle a aidé des réfugiés formés dans l’entreprise à obtenir leurs papiers avec l’aide d’un avocat. « Ils le rendent bien à l’entreprise », conclut-elle.
Un duo complémentaire, des valeurs fortes
Leur complémentarité est une richesse. Aujourd’hui, Servane Deuval gère les plannings, le recrutement, la formation, la gestion comptable, les listes de production, la relation client, la communication et Emmanuel Deuval s’occupe de l’hygiène, de la mise en place des procédures, du lancement des nouvelles gammes, de l’application des recettes et de tout ce qui est en périphérie (gestion des déchets, informatique…).
Face à l’essor de l’activité traiteur, ils ont investi dans du matériel : un cuiseur à pâtes permettant afin de limiter le port de charges trop lourdes, un nouveau robot … « Sur le créneau du midi, nous pouvons faire 300 ventes. Nous faisons les mayonnaises, les vinaigrettes, nous cuisons les œufs, nous lavons les salades … » souligne Emmanuel Deuval. Ils ont également investi en boulangerie dans une nouvelle diviseuse qui limite l’inhalation de farine. Ces investissements ont pour objectif d’éviter les accidents du travail, de prendre soin de la santé des salariés et de fidéliser leur équipe.
Une passion intacte, des projets en tête
« On adore ce que l’on fait » confie Servane Deuval. « C’est grâce à l’équipe qu’on est épanouis comme cela. » Leur passion est communicative, et même leurs enfants, Mathis et Lily-Rose, s’investissent dans l’entreprise pendant les week-ends ou les vacances.
D’autres projets sont en cours pour ce couple d’entrepreneurs résolument tournés vers l’avenir …
Feuillette Caen Mondeville |
|